L’appel avant l’Appel

Si tout le monde connaît l’Appel du 18 juin, en revanche l’appel du 21 mai est peu connu. De Gaulle a pourtant bel et bien prononcé deux appels radiodiffusés en à peine un mois. L’appel du 21 mai a cependant été prononcé dans des circonstances bien différentes de celui du 18 juin.

Le 21 mai, de Gaulle n’est pas encore général. Il est colonel et commande la 4^ème Division cuirassée. Quelques jours auparavant, à Montcornet dans l’Aisne, mettant en œuvre ses principes tactiques sur l’emploi massif de chars, le colonel de Gaulle a mené une contre-offensive victorieuse contre la Wehrmacht. Ce sera d’ailleurs la seule de toute la campagne de France de mai-juin 1940.

C’est pour cette raison qu’il est choisi par le Grand Quartier Général pour remonter le moral et galvaniser les troupes françaises en pleine débâcle à travers une allocution radiodiffusée. Enregistrée dans le petit village de Savigny-sur-Ardres (Marne) où le colonel de Gaulle est replié, elle sera diffusée quelques jours après à la radio dans une émission réservée aux soldats.

Cet appel dit du 21 mai (ou « d’appel avant l’Appel ») préfigure celui du 18 juin avec lequel il comporte de nombreuses similitudes. Paradoxalement, alors qu’il est aujourd’hui oublié, il fut à l’époque largement plus entendu que ne l’a été celui 18 juin :

C’est la guerre mécanique qui a commencé le 10 mai. En l’air et sur la terre, l’engin mécanique – avion ou char – est l’élément principal de la force.

L’ennemi a remporté sur nous un avantage initial : pourquoi ? Uniquement parce qu’il a plus tôt et plus complètement que nous mis à profit cette vérité. Ses succès lui viennent de ses divisions blindées et de son aviation de bombardement, pas d’autre chose !

Eh bien ! nos succès de demain et notre victoire, oui ! notre Victoire nous viendront un jour de nos divisions cuirassées et de notre aviation d’attaque. Il y a des signes précurseurs de cette victoire mécanique de la France.

Le Chef qui vous parle a l’honneur de commander une division cuirassée française. Cette division vient de durement combattre ; eh bien ! on peut dire très simplement, très gravement – sans nulle vantardise – que cette division a dominé le champ de bataille de la première à la dernière heure du combat.

Tous ceux qui y servent, général aussi bien que le plus simple de ses troupiers, ont retiré de cette expérience une confiance absolue dans la puissance d’un tel instrument.

C’est cela qu’il nous faut pour vaincre. Grâce à cela, nous avons déjà vaincu sur un point de la ligne. Grâce à cela, un jour nous vaincrons sur toute la ligne.

Texte de l’appel de Savigny-sur-Ardres, 21 mai 1940